Cancer colorectal : le dépister, un enjeu vital et concret dans les Ardennes

22 août 2025

Le cancer colorectal est trop souvent une maladie qu’on préfère ne pas nommer, dont on ne parle qu’en chuchotant. Pourtant, il figure parmi les cancers les plus fréquents et mortels en France. Selon Santé publique France, près de 47 000 nouveaux cas sont détectés chaque année dans l’Hexagone, avec un peu plus de 17 000 décès annuels (chiffres 2023). Pourtant, et c’est essentiel à comprendre : ce cancer, pris tôt, guérit dans 9 cas sur 10. Tout l’enjeu du dépistage est là.

Dans le département des Ardennes, comme partout, le dépistage gratuit et organisé permet de détecter la maladie avant que les symptômes deviennent visibles – mais il reste encore sous-utilisé. On estime qu’environ 30% seulement des personnes concernées (50 à 74 ans) réalisent ce test chaque année dans notre département (source : ARS Grand Est, 2023), soit l’un des taux les plus bas de la région. Autant de vies qu’il serait possible de sauver en réagissant un peu plus tôt.

Le côlon et le rectum forment la dernière partie du système digestif. Le cancer colorectal naît généralement d’un polype, une petite excroissance bénigne qui évolue lentement, parfois sur 10 ans ou plus, avant de devenir cancéreux. Au départ, ces polypes ne provoquent aucun symptôme. Impossible donc de « sentir » la maladie au stade où il serait le plus facile d’agir.

C’est ce caractère "silencieux" qui explique la létalité du cancer colorectal lorsqu’il est découvert tard, alors que des métastases ont déjà pu se former. En revanche, détecté tôt grâce au dépistage, le traitement est souvent moins lourd, parfois limité à une simple ablation du polype pendant une coloscopie.

  • Précocité : Un test positif ne signifie pas forcément un cancer, mais permet d’agir quand la situation est parfaitement maîtrisable.
  • Simplicité : Le dépistage consiste en un test immunologique, à faire chez soi, qui détecte des traces de sang microscopiques dans les selles.
  • Accessibilité : Ce test est gratuit, pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie, et adressé automatiquement par courrier à toutes les personnes de 50 à 74 ans tous les deux ans.
  • Efficacité prouvée : Selon l’INCa (Institut National du Cancer), la mortalité liée à ce cancer pourrait baisser de 40 % si le dépistage était réalisé automatiquement par toutes les personnes ciblées.

La Haute Autorité de Santé a rappelé : « Plus le cancer est détecté tôt, plus les traitements sont simples et efficaces, et les séquelles moindres » (HAS, 2022).

Des taux de participation encore faibles

Dans les Ardennes, 26,7 % des personnes éligibles ont fait le test de dépistage en 2021 (Source : CPAM Ardennes), contre une moyenne nationale de 34.6 %. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs :

  • Mauvaise image du test : Certains craignent une démarche compliquée, ou vivent des réticences à parler d’intimité digestive.
  • Manque d’information : Beaucoup de personnes ne savent pas que le test est simple (à réaliser en 5 minutes) ni qu’on peut le demander à son médecin en cas de courrier perdu.
  • Isolement géographique : En zones rurales, la distance à un médecin traitant ou à une pharmacie ralentit parfois l’accès au dépistage.

Des facteurs de risque locaux

  • La répartition de la population dans les Ardennes montre une part importante de personnes âgées (plus de 28% ont plus de 60 ans, source INSEE, 2021).
  • Les habitudes alimentaires et le tabagisme restent plus fréquents que la moyenne nationale, deux facteurs aggravants reconnus.
  • Le renoncement aux soins, plus marqué en territoires ruraux, amplifie le risque d’un diagnostic tardif.
  • Qui reçoit le test ?
    • Toute personne entre 50 et 74 ans, sans antécédent personnel ou familial de cancer colorectal, reçoit une invitation tous les deux ans.
    • Le test peut aussi être remis par le médecin traitant ou commandé sur monkit.depistage-colorectal.fr.
  • Comment faire le test ?
    • Il s’agit de prélever une petite quantité de selles à l’aide d’un bâtonnet livré dans le kit.
    • Le tube doit ensuite être renvoyé dans une enveloppe préaffranchie pour analyse.
  • Quand sont donnés les résultats ?
    • Le résultat arrive par courrier sous une quinzaine de jours. En cas de test positif, une coloscopie est proposée pour aller plus loin.

Il n’est pas nécessaire d’attendre d’être malade, ou d’avoir des symptômes, pour agir. Le test ne demande aucune préparation particulière (pas de jeûne, pas d’arrêt de traitement).

  • « Je n'ai aucun symptôme, donc je ne risque rien » – Faux. Près de 80 % des diagnostics sont posés sur des personnes asymptomatiques.
  • « Je suis trop jeune pour ce type de cancer » – Si le risque est extrêmement rare avant 50 ans sans facteur particulier, il grimpe après 50 ans.
  • « Un test positif, c’est forcément un cancer » – Non. Dans 96 % des cas environ, le résultat positif s’explique par un polype ou une cause bénigne (source : INCa). Mais seul un examen approfondi (coloscopie) peut le confirmer.
  • « Le test est contraignant, complexe, sale » – La technologie actuelle a minimisé toutes les étapes : une seule selle, aucun régime à suivre, manipulation sans contact avec les selles grâce à un système de prélèvement simple.

On a souvent du mal à mesurer l’impact direct du dépistage sur notre quotidien, pourtant les chiffres ne trompent pas :

  • À l’échelle nationale, depuis la généralisation du dépistage organisé (2008), la mortalité par cancer colorectal a diminué de 11,1 % chez les 50-74 ans (source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2023).
  • Au niveau régional, Grand Est, la survie à 5 ans atteint près de 63 %, un bond par rapport à la période antérieure (source : Registre des cancers du Grand Est, 2022).
  • Dans les Ardennes, l’augmentation de la participation au dépistage pourrait permettre d’éviter environ 25 décès par an (projection ARS Grand Est, 2022).

Derrière ces chiffres, il y a des mères, des pères, des grands-parents, mais aussi des voisins ou des amis, qui peuvent poursuivre leur vie sans jamais avoir connu les conséquences lourdes d’un cancer avancé.

  • En parler : le bouche-à-oreille avec des proches qui hésitent compte énormément. Évoquer la simplicité du dépistage, témoigner, rassurer.
  • Demander systématiquement à son médecin : en consultation, une simple demande suffit pour obtenir le kit, même hors campagne nationale.
  • Mobiliser les pharmacies et les collectivités : actions de prévention lors des forums santé, visites en mairie, stand dans les marchés locaux (plusieurs initiatives citoyennes sont en cours dans les Ardennes : renseignez-vous auprès de la CPAM ou de la Ligue contre le cancer, Comité Ardennes).

La progression du dépistage du cancer colorectal n’est pas qu’une affaire de chiffres ou de santé publique. Elle touche à la liberté de chacun de vivre plus longtemps et en meilleure santé. La prévention, c’est aussi le refus du fatalisme : dans notre département, chaque vie sauvée par un dépistage est une famille préservée, une perte évitée, un espoir partagé.

Mieux s’informer, réaliser le test régulièrement, encourager ses proches : autant d’actes simples pour inverser la tendance. Le département des Ardennes peut, à son échelle, être exemplaire. La prochaine lettre d’invitation n’est pas qu’un courrier administratif : c’est une occasion concrète de prendre soin de soi, ici et maintenant.

Pour toute question, les professionnels de santé ardennais et les associations locales restent à votre écoute. Plus le dépistage s’installe dans les habitudes, moins le cancer colorectal aura de victimes silencieuses dans notre territoire.