Reconnaître à temps les signes précoces du cancer colorectal dans les Ardennes

10 septembre 2025

Chaque année, ce sont plus de 43 000 nouveaux cas de cancer colorectal qui sont diagnostiqués en France, dont près de 17 000 décès (Source : INCa). Dans le Grand Est, le cancer colorectal reste le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme et le troisième chez l’homme. Dans les Ardennes, les registres montrent un taux d’incidence légèrement supérieur à la moyenne nationale, possiblement lié à différents facteurs (mode de vie, accès au dépistage, habitudes alimentaires).

Ce cancer évolue souvent lentement : il peut mettre plusieurs années avant de donner des symptômes. Cela explique pourquoi un diagnostic peut arriver tardivement. Or, détecté suffisamment tôt, il est guéri dans 9 cas sur 10 (Ligue contre le cancer). D’où l’intérêt majeur de repérer les signes d’alerte dès qu’ils apparaissent.

Les premiers symptômes sont souvent banals, peu spécifiques, et varient d’une personne à l’autre. Ils peuvent faire penser à des troubles digestifs communs. Pourtant, s’ils durent ou reviennent régulièrement, il faut en parler à un professionnel de santé.

  • Saignements dans les selles : C’est l’un des signes les plus évocateurs. Le sang peut être rouge vif, ou au contraire mélangé aux selles (plus foncé voire noir). À ne pas confondre avec des hémorroïdes, surtout après 50 ans.
  • Modifications du transit intestinal : Diarrhée persistante, constipation inhabituelle, ou alternance des deux. Un changement des habitudes d’aller à la selle, surtout sans raison évidente, mérite un examen.
  • Sensation de ne pas avoir totalement “évacué” : Impression d’inconfort ou de lourdeur après être allé aux toilettes, que les selles soient normales ou non.
  • Maux de ventre récurrents ou inexpliqués : Crampes, douleurs abdominales anormales, sensations de ballonnement qui durent ou deviennent fréquentes.
  • Fatigue persistante, perte de poids involontaire : Plus discrets, ces symptômes s’expliquent par une perte de sang lente et continue (anémie), ou une altération générale liée à la maladie.

D'autres signes plus rares peuvent aussi être révélateurs : nausées persistantes, vomissements, ou parfois même des envies fréquentes d’uriner s’il existe une compression sur un organe voisin.

Un Ardennais sur deux ignore qu’une fatigue inhabituelle ou une alternance récente de constipation/diarrhée puisse évoquer un cancer colorectal. Selon le Baromètre Cancer Santé publique France, seulement 38 % des personnes de 50-74 ans associent la présence de sang dans les selles à un risque de cancer. Plusieurs raisons expliquent ce retard de réaction :

  • Banalisations de symptômes : Beaucoup pensent tout de suite à une alimentation un peu trop riche, au stress, ou à un “petit dérèglement passager”.
  • Difficulté à parler des troubles digestifs : La pudeur, le tabou autour du transit, ou la crainte d’ennuyer son médecin font parfois repousser la consultation.
  • Mésinformation : Le fait que les symptômes soient les mêmes pour d’autres soucis bénins (hémorroïdes, gastroentérite, SII) rend le dépistage moins évident.

Il vaut mieux consulter son médecin dès qu’un ou plusieurs de ces symptômes persistent au-delà de 2 à 3 semaines ou reviennent régulièrement, sans cause retrouvée. C’est d’autant plus important si vous avez plus de 50 ans, ou des antécédents familiaux de cancer du côlon ou des polypes.

Les médecins généralistes des Ardennes sont formés à orienter vers une coloscopie ou d’autres examens quand ils le jugent utile, même en l’absence de “gros” symptômes. L’objectif, c’est toujours d’écarter l’hypothèse la plus grave, pas de faire paniquer.

En France, toute personne de 50 à 74 ans reçoit un courrier tous les deux ans pour effectuer un test immunologique. Ce test recherche la présence de sang invisible à l’œil nu dans les selles. Il est gratuit, simple à réaliser à la maison, et permet de repérer très précocement plus d’un cancer sur deux (Site officiel Dépistage cancer colorectal).

  • Dans les Ardennes, seulement 33,6% de la population éligible l’a effectué en 2022 (ARS Grand Est), un taux inférieur à la moyenne nationale (35,6 %).
  • Sous-dépistage rural : En zone rurale, ce chiffre baisse parfois sous les 28 % dans certaines communes du nord du département.

C’est la raison pour laquelle il faut s’inquiéter de tout symptôme d’autant plus si le test n’a pas été réalisé dans les délais. Même lorsque ce dépistage est à jour, en cas de signes évoqués plus haut, il reste crucial de consulter, car aucun test n’est fiable à 100 %.

Certains contextes doivent pousser à une vigilance redoublée :

  • Antécédents familiaux : Si un parent du premier degré (père, mère, frère, sœur) a eu un cancer colorectal ou de nombreux polypes avant 65 ans, le risque personnel est augmenté (jusqu’à 3 fois plus élevé selon l’INCa).
  • Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin : Les personnes ayant une rectocolite hémorragique ou une maladie de Crohn bénéficient d’une surveillance particulière, car le risque augmente avec la durée de la maladie.
  • Prédispositions génétiques (polypose familiale, syndrome de Lynch...) : Ces situations, heureusement rares, doivent être connues de la famille et signalées au médecin pour enclencher une surveillance sur-mesure dès parfois l’âge de 20-25 ans.
  • Tenir un “carnet de symptômes” : Noter la fréquence, la durée, la nature exacte des symptômes : type de sang, aspect des selles, circonstances d’apparition.
  • En parler sans filtre au professionnel de santé : Oser mentionner les signes même “gênants”. Les médecins généralistes savent que le sujet est délicat, surtout pour les aînés et plus encore dans les petits villages.
  • Ne pas s’auto-médicamenter si les symptômes persistent : Certains médicaments banals (laxatifs, antidiarrhéiques) peuvent masquer une évolution sous-jacente.

Même en l’absence de symptôme alarmant, toute modification durable du transit chez les plus de 50 ans nécessite une vigilance accrue.

Plusieurs structures sont à l’écoute pour répondre à vos questions. Elles peuvent orienter, rassurer et accompagner :

  • Centres de santé et CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé) : Relais essentiels de proximité, notamment à Sedan, Charleville-Mézières et Vouziers.
  • Ligue contre le cancer – Comité des Ardennes : Pour toute question, inquiétude ou soutien administratif/local (03 24 33 24 17).
  • Maison des usagers au CHU de Charleville-Mézières : Des permanences d’écoute, en lien avec les soignants.
  • Votre pharmacien de quartier : Formé pour orienter rapidement si besoin, notamment en cas de difficultés d'accès à un médecin.

En changeant notre regard sur ces symptômes et en osant en parler, on agit pour soi mais aussi pour sa famille, ses voisins, ses collègues. Repérer un trouble digestif qui dure, ce n’est pas céder à la paranoïa. C’est faire preuve de responsabilité, dans une région où les nouveaux cas restent trop fréquents et où les moyens de prévention existent mais sont encore insuffisamment utilisés.

Le cancer colorectal n’est pas une fatalité. Sa prévention passe par le dépistage, mais aussi par une attention accrue à ces petits signaux qui peuvent faire toute la différence. Savoir, c’est pouvoir choisir, en parler, c’est déjà agir.

Sources : INCa, Santé publique France, ARS Grand Est, Ligue contre le cancer, Fédération Française de Cancérologie Digestive.