HPV, vaccination et cancer du col de l’utérus : s’informer pour mieux agir dans les Ardennes

9 octobre 2025

Le cancer du col de l’utérus est l’un des seuls cancers dont la cause principale — une infection persistante à papillomavirus humain (HPV) — est connue et évitable. Ce cancer reste présent dans notre département : chaque année, environ 3 000 nouveaux cas sont diagnostiqués en France métropolitaine, entraînant près de 1 100 décès (Santé Publique France, 2023). Dans les Ardennes, si l’incidence est proche de la moyenne nationale, on note toutefois des disparités, en particulier dans les zones rurales ou certains quartiers urbains où l’accès au dépistage et à la prévention reste inégal (ORS Grand Est, 2022).

Depuis une dizaine d’années, la vaccination contre le HPV bouleverse la prévention de ce cancer, en complément du dépistage par frottis. Que faut-il savoir sur son efficacité, ses limites, et sa place dans une stratégie de prévention locale efficace ?

Le papillomavirus humain (HPV) regroupe une famille de plus de 150 virus. Parmi eux, une douzaine sont connus pour être oncogènes, c’est-à-dire capables d’induire des cancers ; les types 16 et 18 sont responsables de près de 70 % des cancers du col de l’utérus.

L’infection à HPV survient le plus souvent lors des premiers rapports sexuels. En général, l’organisme élimine naturellement le virus dans les deux ans. Mais, chez une minorité de femmes, l’infection persiste et peut faire apparaître, au bout de 10 à 15 ans, des lésions précancéreuses évoluant, sans traitement, vers un cancer du col.

À retenir aussi : les hommes peuvent contracter et transmettre le HPV, parfois sans symptôme, et certains types de HPV sont liés à d’autres cancers (anus, gorge, pénis), ce qui rend la vaccination tout aussi pertinente chez les garçons !

La vaccination contre les HPV repose sur des vaccins inactivés qui ne contiennent aucune particule virale capable de provoquer une infection. Leurs cibles principales sont les deux principaux HPV oncogènes (16 et 18), mais aussi d’autres types responsables de verrues génitales ou d’autres cancers, selon le vaccin utilisé (Gardasil 9 couvre 9 génotypes).

  • Population cible : Priorité aux filles et garçons de 11 à 14 ans, avant le début de la vie sexuelle. Possibilité de rattrapage jusqu’à 19 ans.
  • Schéma : 2 doses espacées de 6 à 12 mois dans la tranche 11-14 ans ; 3 doses au-delà.
  • Efficacité : Jusqu’à 90 % de réduction des infections à HPV ciblés, selon l’OMS (2022).

En France, depuis 2018, la vaccination est officiellement recommandée pour les garçons également, ce qui favorise une immunité collective et réduit la circulation du virus.

Les effets de la vaccination à grande échelle ont été observés dans plusieurs pays :

  • En Australie, pionnière de la vaccination HPV, le taux de lésions précancéreuses du col de l’utérus chez les jeunes femmes a chuté de 89 % en 10 ans (Cancer Australia, 2020).
  • Au Royaume-Uni, une étude publiée dans le Lancet en 2021 rapporte une diminution de 87 % du risque de cancer du col chez les femmes vaccinées avant 17 ans.
  • En Suède, ces baisses culminent à 88 % pour les femmes qui ont reçu la vaccination avant leurs 17 ans (NEJM, 2020).

Ces chiffres confirment que la vaccination HPV, couplée à un dépistage régulier, a un potentiel décisif pour faire reculer, voire éliminer, le cancer du col de l’utérus.

Dans la région Grand Est, dont font partie les Ardennes, la couverture vaccinale contre le HPV progresse lentement. En 2022, Santé Publique France estime qu’environ 40 % des jeunes filles âgées de 15 ans avaient reçu les deux doses, contre 52 % au niveau national. Chez les garçons, la couverture reste encore bien plus basse (moins de 15 %), du fait du démarrage plus tardif de la recommandation.

Couverture vaccinale HPV à 15 ans (2022) Filles Garçons
France métropolitaine 52 % 18 %
Grand Est 40 % <15 %
Ardennes (estimation) 38 % <12 %

Les freins sont nombreux : manque d’information claire, méfiance envers les vaccins, accès plus difficile au médecin traitant ou au Centre de Vaccination, ou hésitation à évoquer le sujet avec son enfant.

  • Ruralité : Un habitant des zones rurales peut avoir moins de facilité à rencontrer un professionnel de santé proposant la vaccination.
  • Inégalités sociales : Les familles moins favorisées cumulent, selon Santé Publique France, un accès plus faible à la prévention, toutes maladies confondues.
  • Manque d’actions collectives : Jusqu’en 2022, peu d’établissements scolaires des Ardennes menaient des campagnes de vaccination en milieu scolaire, alors que la Haute-Marne voisine a testé des opérations de vaccination dans les collèges depuis 2021.

Depuis septembre 2023, le gouvernement a lancé la vaccination généralisée dans les collèges pour tous les élèves de 5ème volontaires. Une première expérimentation a été menée dans plusieurs collèges d’Epernay, dont une à Charleville-Mézières, avec des résultats encourageants : dans les établissements participants, près de 60 % des élèves de 5e éligibles ont reçu au moins une dose (source : ARS Grand Est, 2024).

La vaccination contre le HPV prévient efficacement 70 à 90 % des cancers du col de l’utérus, mais ne dispense en aucun cas du dépistage. Certains types de HPV ne sont pas couverts par le vaccin. Le dépistage par frottis reste l’arme complémentaire indispensable.

  • À partir de 25 ans : Un frottis cervico-utérin tous les 3 ans, puis un test HPV tous les 5 ans à partir de 30 ans (selon les dernières recommandations HAS).
  • Pertinence du suivi : Même vaccinée, une femme doit continuer à réaliser les examens recommandés, car aucun vaccin ne protège à 100 % contre tous les types de HPV.

La stratégie la plus efficace associe donc :

  1. Vaccination précoce (dès 11 ans ou rattrapage jusqu’à 19 ans).
  2. Dépistage régulier à partir de 25 ans.
  3. Promotion active de l’information dans toute la population, en ville comme en milieu rural.
  • Est-ce risqué ? Les effets indésirables graves sont extrêmement rares et comparables à ceux des autres vaccins (douleur temporaire au point d’injection, fièvre, maux de tête). Le bénéfice l’emporte largement sur les risques, selon l’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
  • Doit-on vacciner les garçons ? Oui, car ils peuvent transmettre le virus et certains cancers liés au HPV touchent aussi les hommes. Vacciner les garçons, c’est agir pour l’immunité collective.
  • À quel âge lancer la vaccination ? Entre 11 et 14 ans, avant le début de la vie sexuelle. Un rattrapage est possible jusqu’à 19 ans.
  • Où se faire vacciner dans les Ardennes ? Chez le médecin traitant, au centre de vaccination (ex : Centre de vaccination du Pôle Santé des Ardennes, Planning Familial, antennes PMI départementales) et durant certaines sessions dans les collèges partenaires.

La prévention du cancer du col de l’utérus progresse, mais trop d’idées fausses circulent encore : non, la vaccination HPV ne favorise pas la stérilité. Non, elle n’encourage pas à des comportements sexuels à risque. Oui, elle sauve des vies, sans se substituer au dépistage.

Dans les Ardennes, le défi reste important car la couverture vaccinale doit encore progresser, en particulier chez les garçons et dans les zones rurales. Renforcer la sensibilisation, intégrer la vaccination dans la routine scolaire, encourager la discussion sans tabou avec les soignants — ce sont des leviers clés pour faire reculer ce cancer évitable.

Pour s’informer, échanger ou trouver un centre vaccinal, plusieurs ressources existent :

Rapprochez-vous des professionnels de santé, osez poser vos questions, parlez-en autour de vous… C’est ensemble, informés et solidaires, qu’on progressera.